Indices d’un Etat Relâché
par Tarek Heggy


•  L'Egypte a raté (comme d'habitude) une occasion magnifique de corriger plusieurs erreurs, lorsqu'on (quiconque en a l'autorité) ne signifia pas l'ordre de répudier l'homme responsable de l'écoulement des fatwas (décrets religieux) noyées de futilité, de banalité et de stupidité, dont la plus importante est celle des « déchets ». Un tel ordre aurait pu mettre en place des dizaines de questions, surtout s'il avait été suivi de la nomination d'un remplaçant à son Eminence le mufti auteur de la fatwa des « déchets » ; à ce remplaçant on donnerait des instructions claires de n'émettre de fatwas que sur des questions purement religieuses (quitte à ce qu'il soit répudié en cas d'infraction à ces instructions). Son Eminence l'auteur de la fatwa des déchets « croit » que tout hadith (tradition prophétique) compris dans le recueil d'Al-Bukhari est forcément vrai ; chose étrange. Abu-Hanifa Al-Nu'man refusa de reconnaître comme préceptes la majorité des hadiths ultérieurement compilés par Al-Bukhari dans un recueil contenant six cents hadiths réitérés (!!), et dont la majorité est de source « unique », donc des hadiths que les juristes peuvent ne pas accepter comme témoignage.

Son Eminence l'auteur de la fatwa des déchets suit-il les principes de la jurisprudence Islamique telle que conçue par les Hanbalites ?... Si c'était le cas, ce serait un grand désastre ; l'Azhar se tenant sur une terre Hanafite/Shaféite devient Hanbalite à l'époque du pétrodollar/ Wahhabite /Hanbalite !!

 

•  Je ne sais pourquoi la presse gouvernementale (Al-Ahram, Al-Akhbar, Al-Gomhureya) ont ignoré la lettre que le Pape Chenouda III a adressée au Président de la République... ni pourquoi on fit allusion à cette lettre (dans un article par un écrivain connu) comme étant « un des sermons du Pape ». Sommes-nous si loin de pouvoir faire face aux problèmes ??? Pourquoi cette lettre (digne de respect et de soutien) ne fut-elle pas publiée par les médias du gouvernement et à sa télévision ?! Ou bien avons-nous atteint un point de « déification du gouvernant » qui nous empêche de publier une lettre lui étant adressée comme celle-ci ?... Et comment cette sanctification peut-elle se tenir en parallèle avec les principes de la Constitution actuelle qui n'exclut personne de la sujétion au questionnement ?...

 

•  « Mohamed Rahlan » a accusé un état Arabe important de ne pas prendre de position décisive envers les forces Palestiniennes qui s'entretuent. Il a déclaré dans une entrevue sur la chaîne « Al-Arabia » que ce grand état devrait arrêter ses expressions diplomatiques. C'est à cause de ces « positions diplomatiques » de Mahazelstan (Terre de la Raillerie) et Turabstan (Terre de la Poussière) que le conflit Palestino-Palestinien va persister jusqu'à remplacer le conflit Palestino-Israélien ; avec tout ce que ceci implique comme effets négatifs sur notre vie politique en Egypte. Comment un sage peut-il être « neutre » entre une organisation civile et une orientation théocratique ??, à une époque où nous subissons l'ampleur du danger de la théocratie (l'alliage de la politique et de la religion).

 

•  La dernière page du journal « Al-Akhbar » fut consacrée (tous les vendredis) pendant de longues années à des écrivains appartenant directement à l'organisation interdite. Le dernier de ceux-ci fut l'écrivain obscurantiste « Mohamed Emara ». Pendant des années, Monsieur Emara inocula le venin comme si l'établissement Al-Akhbar était la chaire médiatique de la confrérie. Il fut ensuite écarté (suite à une position désastreuse du docteur obscurantiste). Tout autant que nous applaudissons cet écart, nous nous demandons : comment, pourquoi, et sous quels prétextes cette page fut-elle donnée à des écrivains obscurantistes, depuis Ahmed Zein jusqu'à Monsieur Emara ?

 

•  Mon coeur se glaça à la vue d'un officier torturant un citoyen Egyptien derrière les barreaux. Généraliser serait une catastrophe ; nous tenons à assurer que les officiers ne commettent pas tous (ni même pour la plupart) ce délit... et ils ne sont pas tous des anges non plus. Par conséquent, le jugement de cet officier (et ses semblables) est un insigne décorant la société, et non pas une tare à cacher par les médias officielles et la presse qu'on appelle nationale (sa vraie appellation étant : presse gouvernementale), comme il s'est passé lorsqu'on a suivi le jugement de cet officier-hyène sur des écrans non-Egyptiens.

 

•  J'ai admiré Monsieur Abdallah El-Sennaoui (l'écrivain national Arabe Nassériste) dans sa défense d'Ayman Nour. Ce niveau de collaboration entre tous dans des facteurs communs fait preuve d'une maturité et d'une évolution politiques ; malgré la différence entre l'agenda politique d'El-Sennaoui et Ayman Nour, cela ne l'a pas empêché (et ne devait pas l'empêcher) de s'en prendre à ce qui arrive à Ayman Nour. Pour ajouter à notre respect envers lui, Monsieur El-Sennaoui n'a pas attaqué les Etats-Unis pour leur défense d'Ayman Nour, alors qu'il est un « ennemi en idéation » des Etats-Unis, dans tous les sens que cette phrase implique... Quand les « gauchistes » et les « libéraux » collaborent-ils dans des facteurs communs, qui existent sans doute ?

 

•  A une conférence que j'ai donnée (il y a quelques jours) à une assemblée Copte, j'ai fortement critiqué la « négativité des Coptes » et leur inconscience des conséquences et des suivis de leur négativité politique. Les Coptes et la femme moderne forment une coalition grande et puissante qui a la capacité d'avorter l'avancement des forces obscurantistes, en participant à toutes les élections pour la « liberté » et contre « l'histoire ancienne », et qui est digne des organisations de la femme moderne et des Coptes dans la vie politique en Egypte, pour la « lumière » et contre « l'obscurité ». Il ne faut pas attendre « l'initiative de l'état », car si l'état pouvait faire quoique ce soit dans ce champ, il l'aurait fait au courant du quart de siècle passé. Les états relâchés ne prennent pas de telles initiatives.

 

•  « Il est normal que l'Amérique et que le Président Bush haïssent nos exploits économiques gigantesques ». Bien que je comprenne Aristote, Platon, Spinoza, Kant, Descartes et Hegel, je n'ai pas compris cette phrase « éblouissante » d'un grand écrivain reconnaissant!.. Peut-il donc expliquer à mes « semblables » sa phrase profonde et éblouissante qui a été difficile pour ma compréhension ?! et celle de beaucoup de « non-reconnaissants » ?

 

•  Je ne comprends ni la vérité ni les motifs ni les sources derrière le silence des médias Egyptiennes à propos des crimes qui ont lieu à Darfour, contre des humains dont la seule faute est que, même s'ils sont Musulmans, ils ont des origines Africaines. Je n'ai lu aucun article par des écrivains reconnaissants ou non-reconnaissants, dénonçant le silence Arabe envers des crimes humectant le front Arabe pour les enfants de Darfour d'origines non-Arabes. Ce silence ressemble au manque d'articles Arabes sympathisant avec les Kurdes de l'Irak, ou les Berbères de l'Afrique du Nord, ou les Shiites des régions de l'est du Royaume de l'Arabie Séoudite, et d'autres minorités dans le Monde Arabe.

 

•  Lorsque j'ai publié mon article « Si j'étais Copte », certains des Islamisés m'ont critiqué, comme si je devais être injuste envers les Coptes pour parfaire mon identité Islamique ?!... Parmi les accusations, on m'a dit que mon article était comme si on avait jeté de l'huile sur du feu ?... Deux questions se posent à mes accusateurs : Admettez-vous donc qu'il y a du « feu » ?... Seconde question : Si les victimes du Kushh étaient des Musulmans, et que j'écrivais pour critiquer les assaillants Chrétiens – décririez-vous mes écritures comme de l'huile jetée sur du feu ?!.. Ô obscurantistes, éveillez-vous ! Nous sommes tous associés dans l'humanité ; nous avons le droit de demander aux gens de respecter nos croyances, mais nous avons tout autant le devoir de respecter les leurs. Le simple fait que certains d'entre nous parlent d'interpréter les livres saints pour les autres est un commencement destructif du dialogue. Que notre nation était grandiose lorsque, il y a quatre vingt dix ans, Saad Zaghloul la réunit sous l'emblème « La religion est pour Dieu, et la Nation pour tous » !... Et comme notre nation en péril est devenue molle, relâchée et fragile quand y furent diffusées des fatwas comme celle de l' « allaitement » et celle des « déchets » ! Le Cheikh « Mustapha Abdel Razek » aurait-il pu émettre une fatwa d'un tel manque de maturité ?

 

•  Ces quelques dernières semaines, je me suis souvenu d'Ibn Khaldoun ; particulièrement de sa différenciation entre la vie rurale Bédouine et la vie urbaine sédentaire. Ce qu'on appelle le Monde Islamique vit aujourd'hui son « ère Bédouine », dans tous les sens que ce mot implique !... Ils sont libres d'être orgueilleux et fiers de leurs souches Bédouines désertiques poussiéreuses – mais nous ne voulons pas qu'ils nous viennent (culturellement) sous forme de leurs chamelles moulées dans le pétrodollar.

 

•  L'Egypte et le Maroc sont les (seuls) états méthodiquement centralisés, depuis plus de cinquante siècles dans le cas de l'Egypte, et plus de dix siècles dans celui du Maroc ; tandis que tous les autres états de la région n'ont que très récemment pris connaissance du régime centralisé. L'Algérie (par exemple) n'a connu la centralisation que sous Khair-Eddine Barbarossa et Aruj à la barbe rousse, il y a moins de cinq siècles. Il en est de même pour tous les états où l'Arabe est la langue maternelle, à l'exception de l'Egypte et du Maroc. L'une des conséquences de la récence d'approche au régime centralisé dans les sociétés Arabes, est l'acceptation par l'esprit Arabe de l'existence de forces armées autres que celles de l'état, et de la propagation des armes en dehors de l'autorité de l'état, ainsi que de nombreux autres indices d'un phénomène réellement catastrophique, causé par le fait que les peuples Arabes sont des « tribus » ne connaissant que nouvellement le régime de l'état centralisé, et le système légal supervisé par l'état. C'est pourquoi il est possible qu'un citoyen de mentalité tribale ou Bédouine parle de choses telles qu'une « conciliation entre l'armée Libanaise et les criminels de Fath el Islam », ou du « droit de Hizbullah à déclarer une guerre sans consulter l'état central», ou encore la réconciliation des factions qui s'entretuent sur les terres Palestiniennes – ne vous ai-je pas dit que seulement l'Egypte et le Maroc ont connu le régime de l'état centralisé ?! Quant à nos amis, ils vivent encore à l'époque de « Qaïs » et « Abas » et « Abu Hurayra » (l'un des chefs d'une faction Palestinienne au Liban s'est donné le nom de  Abu Hurayra « père du chaton » !!). Et nous donc, nous crions : Sauvez-nous, Docteur Ahmed Okasha... car vous êtes celui qui sait le plus que ceux qui se donnent des noms comme « Abou Fahs » (père du lionceau), « Abou Hurayra » (père du chaton), et « Mo'ath » (abri) (au XXIe siècle) ont besoin d'une intervention médicale urgente et d'un traitement par médicaments puissants !! 

 

•  Bien que la constitution de l'état stipule que c'est un état civil, et bien que le régime soit en état de vraie guerre avec les prédicateurs d'un état religieux, les tribunaux de Mahazelstan rendent des jugements contre les principes de base de la société : d'une part, un tribunal nous impose qu'un Chrétien converti à l'Islam n'a pas le droit de retourner au Christianisme (idéation comique !) ; un autre jour sombre pousse un juge à prononcer le jugement (issu de sa formation culturelle et sociale) que l'Université Américaine en Egypte permette aux étudiantes portant le niqab (voile recouvrant la face) d'entrer à l'université. Quelques années auparavant, un autre tribunal fut la risée du monde civilisé en imposant la séparation d'un penseur vénéré de son épouse.

 

Ceux-ci n'étaient que des exemples (au nombre des présents au Dernier Repas du Christ) d'indices de l'état relâché sous lequel nous vivons à Mahazelstan (et pas en Egypte !), et qui représente l'environnement idéal pour que les forces de l'obscurantisme s'épanouissent, tournillent et bondissent... car l'adversaire est absent ou presque, pris par ses intérêts « personnels » qui n'ont aucun rapport avec l'avenir sécuritaire, moderne, civilisé et prospère recherché dans cette patrie.